Responsable de la natation synchronisée à la Fédération Française de Natation, Sylvie Neuville dresse le bilan du tournoi de qualification olympique auquel a participé l’équipe de France de synchro du 2 au 6 mars dernier. Au final, le duo composé de Margaux Chrétien et Laura Augé s’est qualifié pour le rendez-vous brésilien en raflant une somptueuse médaille de bronze tandis que l’équipe s’est classée sixième.
Sylvie, que retiens-tu du TQO à Rio ?
La sélection olympique pour le duo Laura Augé et Margaux Chrétien. Bien sûr elle était attendue et nous savions qu’elle était largement à leur portée, mais il fallait le faire avec la manière ! La médaille de bronze a vraiment été la cerise sur le gâteau. En outre, cela faisait un moment que nous étions abonnées à la quatrième place avec les différentes équipes de France (championnats du Monde de Kazan avec le duo mixte, la COMEN avec l’Equipe de France espoir, ndlr) et cela nous laissait un goût d’inachevé.
Où en sont les Françaises par rapport à leurs concurrentes ?
En duo technique, Laura et Margaux n’avaient jamais battu la paire grecque. C’est une réelle progression ! Les nageuses helléniques sont douées, elles sont performantes techniquement et artistiquement et sont de très bonnes compétitrices, elles ne lâchent rien. La partie n’était donc pas jouée d’avance mais les tricolores étaient déterminées et fortes de chorégraphies de qualité elles se sont imposées. Les Mexicaines étaient aussi de sérieuses clientes et elles avaient d’ailleurs volé la vedette aux françaises à l’Open Make Up For Ever. Laura et Margaux avaient à cœur de laver l’affront et, là aussi, pas de quartier, les tricolores les ont devancées sur les deux épreuves, technique et libre.
T’attendais-tu à voir le duo se hisser sur la troisième marche du podium ?
Je l’espérais vraiment, je savais qu’elles en avaient les capacités. Margaux et Laura sont des nageuses plutôt régulières dans leurs performances. Elles construisent, peaufinent durant les entraînements de pré-compétition sur site en musique avec leur coach Julie Fabre et ensuite libèrent leur énergie durant l’épreuve. Ce fut un vrai plaisir de les voir monter sur le podium, nous avions toutes les frissons lorsque le drapeau bleu blanc rouge a été hissé.
Quels seront leurs objectifs aux Jeux Olympiques de Rio ?
Les championnats du monde de Kazan nous ont montrées que tout est possible, les juges ont beaucoup moins de réticences à bouleverser les classements. Nous avons les moyens d’être ambitieuses ! Les Françaises étaient dixièmes aux JO de Londres et les résultats du TQO nous placent pour le moment au huitième rang. L’Italie possède un duo de qualité et me semble difficilement battables, mais le Canada pourquoi pas… Il faut être ambitieuse et croire dans les capacités de nos nageuses et de l’encadrement. Ce qui est certain c’est que nous « grignotons » les places, tranquillement, mais sûrement.
Qu’a-t-il manqué à l’équipe pour se qualifier ?
Notre équipe est jeune, pleine d’avenir avec une moyenne d’âge d’environ 20 ans. Les équipes qui seront médaillées cet été à Rio seront composées de nageuses matures et expérimentées. Le mode de sélection est draconien pour l’équipe, seulement huit formations de qualifiées, c’est très peu et qui plus est avec une répartition continentale. Ainsi, l’Egypte pour l’Afrique, l’Australie pour l’Océanie et le Brésil en tant que pays organisateur seront de la partie. La compétition d’équipes des Jeux sera de moins bonne qualité que celle des championnats du monde où la France avait figuré à la huitième place. Nous le savions, la bataille serait âpre, ainsi deux équipes très fortes l’Espagne et le Canada sont passées elles aussi à la trappe. Mais pour la France, dans une discipline où la performance se construit d’année en année, il était essentiel d’être présentes, de montrer nos progrès. Avoir une armada est un atout majeur en natation synchronisée, les juges se rendent compte que la France a des ressources, qu’elle prépare ses athlètes et stratégiquement il fallait se placer et montrer qu’il faudra compter avec nous dans les années qui viennent. L’Italie a gagné sa qualification en équipe cette année, mais l’avait raté en 2008. La synchro est un sport de persévérance !
Depuis 2000, l’équipe n’a plus participé aux Jeux Olympiques. Est-ce inquiétant ?
C’est surtout frustrant, je dois l’avouer. Nous travaillons dur, sans laisser le double projet de côté. C’est assez rare dans le monde de la synchro au plus haut niveau. Nos athlètes font des études, elles sont brillantes, deux d’entre elles sont en kinésithérapie, une en pharmacie, en droit… Elles s’entraînent 30 heures par semaines et font leurs études, même si bien sûr le cursus est aménagé. Il faut du temps pour construire une équipe forte, il est nécessaire de pérenniser la carrière des athlètes et c’est ce que nous attachons à faire tous les jours, prévoir leur plan de carrière à long terme.
De manière générale, quel est le niveau de la synchro tricolore ?
A ce jour, nous sommes à la huitième place mondiale. C’est bien, mais insuffisant ! Pour se qualifier à Tokyo, en 2020, nous devrons être positionnées dans les cinq premières nations. La natation synchronisée s’est transformée ces dix dernières années avec des athlètes à profil (lignes de jambes d’exceptions) et l’obligation de posséder une équipe homogène. La synchro est vraiment un sport pour tous, mais le haut niveau non, j’ai le devoir de l’honnêteté ! La France, en outre, n’a pas d’autre choix que de progresser en difficultés de portés, les meilleures nations rivalisent d’audace dans ce domaine, c’est pourquoi nous avons mis en place un « Plan Priorité Portés ». Nous avons conscience que l’enjeu est de taille, mais c’est ce qui est passionnant, chercher, se renouveler, bousculer les habitudes.