Après une escapade aux Etats-Unis au cours de la saison 2013-2014, où elle avait été chargée de restructurer la natation synchronisée américaine, Julie Fabre a repris les rênes de l’équipe de France en 2015. Une mission qu’elle entend couronner de succès en menant les synchros tricolores sur les podiums internationaux. Rencontre avec une technicienne ambitieuse et déterminée.
Julie, de quelle manière la natation synchronisée est-elle vécue et perçue aux Etats-Unis ?
Aussi étonnant que cela puisse paraître, les synchros américaines ont très peu de culture de leur sport. A l’occasion d’une intervention dans un club de Las Vegas, je me suis rendue compte qu’aucune des filles présentes n’avait entendu parler de Virginie Dedieu (triple championne du monde en 2003, 2005 et 2007, ndlr). Disons que les Américains sont autocentrés. Ils s’intéressent à leurs champions et c’est à peu près tout.
Culturellement, les synchros françaises sont-elles mieux armées ?
Les synchros françaises disposent d’une bonne culture de leur sport. Toutefois, elles sont loin d’en connaître autant que les nageuses de ma génération. A l’époque, nous disposions d’une culture très complète de notre discipline. Je ne prétends pas que nous savions tout, mais nous avions à cœur de découvrir notre patrimoine.
Qu’est-ce qui a changé selon toi ?
J’ai le sentiment que la génération actuelle vit dans l’instant présent alors que nous baignions davantage dans l’histoire de notre sport. A présent, et sans doute est-ce lié à l’émergence d’Internet et au développement des réseaux sociaux, tout va très vite, trop vite peut-être…
Est-il difficile d’entraîner cette génération ?
Non, parce que les filles sont volontaires et réactives. En revanche, je trouve que les jeunes d’aujourd’hui veulent que les choses aillent vite. Ils ne supportent pas la répétition. Or, dans notre sport, il faut s’armer de patience pour progresser. La natation synchronisée demande des heures et des heures de travail pour mettre en place une chorégraphie. Sans parler d’un podium (elle sourit)… Là, on parle d’années de travail ! J’ajouterais également que cette génération est également écrasée par une certaine pression sociale…
Laquelle ?
Celle de l’emploi ! Les athlètes d’aujourd’hui sont conscientes que leur carrière ne durera pas éternellement. Le double cursus est devenu obligatoire, et c’est une bonne chose, mais cette pression de l’après-carrière est parfois pesante. A mon époque, je ne me préoccupais pas de mon avenir. Je nageais sans réfléchir à mon entrée dans la vie active ou à ma retraite… Et en même temps, nous faisions des médailles. Par la suite, j’ai pu investir sur ces résultats, les faire fructifier. C’est peut-être ce qui manque à la génération de nageuses qui évoluent actuellement en équipe de France.
D’une certaine façon, on en revient à la problématique de la médiatisation. Ne crois-tu pas que la natation synchronisée française souffre d’un déficit dans ce domaine ?
La médiatisation ne viendra qu’avec des résultats ! Sans cela, il est évident que les journalistes ne s’intéresseront pas à notre discipline. On pourrait créer le buzz sur des événements éphémères, mais ce n’est pas notre ambition.
Malgré tout, les galas de natation synchronisée organisés depuis la saison 2014-2015 contribuent à alimenter une certaine notoriété.
Et ce n’est qu’un début ! Cette année, les nageuses de l’équipe de France vont se produire dans de nouvelles villes, mais aussi retrouver un public qu’elles avaient conquis l’an passé. Ainsi, la ville de Nice nous a demandé de revenir et l’on commence à évoquer des apparitions annuelles. C’est bien la preuve qu’il y a une demande. Cependant, les filles ne peuvent se produire tous les week-ends alors nous sommes obligés de refuser certaines propositions pour qu’elles puissent souffler et se préparer comme il se doit aux échéances nationales et internationales.
Comment les Françaises vivent-elles ces représentations ?
Elles sont fières et heureuses de représenter leur discipline, de rencontrer leur public et de voir les yeux de leurs plus jeunes supportrices briller d’admiration. Et puis, ne nous en cachons pas, ces galas permettent aux filles de toucher un petit salaire ! Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un pas vers la professionnalisation de la natation synchronisée.
Recueilli par A. C.
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