Teddy Palassy : « Laure Manaudou avait été à l’aise lors du stage avec le Commando Marine » | Fédération Française de Natation
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Mardi 15 Novembre 2022 - 16:30

Ex-membre des forces spéciales et du Commando Marine, Teddy Palassy raconte dans Forces spéciales et unités d’élite (éditions Solar) de quelle manière il a dû apprivoiser le milieu aquatique dans le cadre de ses exercices militaires. Son rapport à l’eau, et ses souvenirs avec les nageurs du Cercle de Marseille, entretien sincère et très direct d’un homme qui a défendu très haut, et à sa manière les couleurs de la France.

Comment en êtes-vous arrivé à entrer dans les forces spéciales ?

A 19 ans, je voulais entrer dans l’armée. Mon père voulait m’envoyer dans la légion étrangère mais cela ne me donnait pas du tout envie… Et puis, j’avais vu à l’école un camion de la marine nationale et me suis dit : « tiens, ça me dit bien ». J’ai toujours été très bon en sport, et donc j’ai trouvé ma vocation. 16 années chez les Commandos Marine, et les 8 dernières dans la préparation physique opérationnelle en tant que moniteur sport, j’ai pris ma retraite en 2013.

Vous avez donc dû travailler dans l’eau sur des exercices en situation ?

Dans l’eau, les situations se font essentiellement en mission d’entraînement ou d’exercices sur base. Les exercices aquatiques se sont à partir de largages à 4000 ou 300M d’altitude en mer, avec tout un matériel accroché au parachute : un zodiac à monter, son moteur… Et ensuite dans l’eau, par équipe, on doit s’entraider afin de retrouver un bateau qui va nous récupérer ou se diriger par nous-même vers une plage où démarre l’infiltration pédestre. En fait, on ne parle pas de natation mais d’aisance aquatique.

Étiez-vous à l’aise dans ces exercices ?

Ce n’était pas le domaine dans lequel j’étais le plus à l’aise mais il n’y avait pas de soucis non plus. A vrai dire, le plus dur dans l’eau, c’est l’organisation. On est largué en pleine nuit, et si on n’est pas à côté, cela devient difficile de se retrouver. C’est un travail d’équipe. Il y a une toute organisation à gérer et l’eau la rend plus compliquée. Il y fait froid, notamment quand vous vous retrouvez dans l’Atlantique en plein hiver, ou en cuve sur la base de Lorient (anciennes cuves de pétrole avec profondeur de 30M), où l’eau peut être à 6-7 degrés l’hiver.

Comment étiez-vous habillé au moment de sauter ?

Le plus dur, c’est l’équipement, en treillis de nuit qui pèse très lourd avec l’eau même si l’on a une combinaison étanche en-dessous pour palmer.

Avez-vous eu à plonger sur des théâtres d’opération ?

Non, que sur des missions d’entraînement en Afrique de l’est et de l’ouest notamment, mais je n’ai jamais redouté de le faire. On s’entraîne pour ça. Cela a été un peu stressant pour ceux qui ont dû plonger sur des théâtres d’opération, mais c’est l’aboutissement de toutes nos sessions. Le bénéfice de l’entraînement et du surentraînement implique que tu ne te focalises plus sur les petites choses que tu ne sais pas faire. Tu vas plus redouter d’être visible à l’heure d’amerrir ou avoir un souci technique.

Avant les JO de Londres, vous avez travaillé avec le Cercle des nageurs de Marseille (Laure Manaudou, Frédéric Bousquet, Fabien Gilot, Camille Lacourt…)… Pour leur apprendre quoi concrètement ?

Cela s’est fait naturellement avec l’un de mes collègues qui connaissait très bien le préparateur physique du Cercle, et lors de ce stage encadré par les Commandos Marine et la cellule de sports de combat, le but était de travailler leur mental, l’aguerrissement, les sortir de leur zone de confort par différentes contraintes, de sommeil, de temps et d’alimentation. Organisé à Lorient, ils sont venus une semaine pour des parcours commando, de la marche de nuit, dormir sur le terrain… Et ils ont fait de la natation, mais en mode investigation avec le CTLO (Contre-terrorisme et libération d’otages).

Cela consiste en quoi ?

Des simulations d’investigation et d’intervention pour récupérer des otages avec des armes à base de « simunitions » (billes de peinture).

Vous les avez aussi fait sauter dans une piscine sans voir le fond paraît-il ?

Ils avaient une cagoule sur la tête, ne voyaient rien, désorientés. L’exercice était de monter de jour sur un plongeon de 3M, en treillis avec chaussures pataugas (chaussures adaptées au milieu aquatique), un casque roller sur la tête et des lunettes de piscine. On les poussait dans l’eau, et ils devaient adopter une nage de combat, nager la tête hors de l’eau, et exécuter différentes choses à faire comme récupérer une embarcation qui s’était retournée avec un mannequin bloqué. Il fallait passer sous un filet en apnée, détacher le mannequin et ensuite ressortir de l’autre côté… Et certains ont paniqué.

Qui ça ?

Frédéric Bousquet n’a pas paniqué mais il a un peu perdu ses moyens, alors qu’il est l’un de ceux qui performent le plus en apnée. Pour eux, c’était une inconnue de devoir passer sous ce filet, et après l’exercice, avec toute son humilité, Fred m’a dit : « Je ne vais pas y arriver ». Et puis, je me souviens d’une nageuse, restée bloquée en haut de la cuve, Inge Dekker (Néerlandaise, championne olympique du relais 4X100M NL aux JO de Pékin 2008). Elle a eu peur, et ne pouvait pas sauter dans la cuve, dans cette eau très froide et où on ne voit pas le fond. On l’a accompagné, et elle a fini par sauter. Une championne, sur un plongeoir, quand l’eau est claire, il n’y a pas de problème, mais là… Et cela a leur donné des pistes d’amélioration sur le travail mental à perfectionner.

Qui s’en est le mieux sorti ?

Laure Manaudou avait été à l’aise, Maxime Bussière également… Mais en fait, tout le monde a eu des phases avec des moments un peu moins sereins, sans que ce soit la « cata » non plus de manière générale. Je me souviens aussi d’une nuit sur le terrain avec 3-4h de sommeil, et le réveil avait été compliqué pour certains, alors que l’on n’avait fait aucun exercice pendant la nuit (rires).

Qu’avez-vous retenu de ces champions de la natation française ?

La différence entre les sportifs de haut-niveau et les Commandos Marine m’a surtout sauté aux yeux. Les champions travaillent sur un objectif : faire 50M avec une respiration au milieu, et vont travailler sur ce but toute l’année… L’enjeu reste victoire ou défaite. Les gars du Commando, eux, jouent leur vie. En clair, sur mes souvenirs de discussions avec Frédérick Bousquet, j’ai surtout compris ce que l’on pouvait apporter aux gens du civil et aux sportifs. Ce sont surtout eux qui étaient plus émerveillés par notre métier.

Dépasser ses peurs et ses blocages psychologiques, c’est le grand sujet dans le sport de haut niveau actuellement… Comment y faire face ?

Dépasser ses peurs, c’est d’abord gérer son stress, trouver la manière de le gérer positivement. Moi c’était une musique que j’aimais écouter et qui me donnait la « patate » (Ain’t no moutain high enough de Marvin Gaye). On la retrouve aussi dans le film « Le plus beau des combats » avec Denzel Washington… La visualisation était capitale, voir ce qu’il fallait faire quand j’allais sauter en parachute… Et quand on discute avec des préparateurs mentaux, ils te disent qu’il faut visualiser : voir tout ton process du moment où tu es dans la chambre d’appel jusqu’au départ... Visualiser l’action avent de l’exécuter.

Recueilli par Antoine GRYNBAUM

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