Quentin Rakotomalala : « Je ne suis pas non plus devenu une star internationale » | Fédération Française de Natation
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Jeudi 8 Septembre 2022 - 16:45

Jeune homme de 19 ans, Quentin Rakotomalala est un pionnier de la natation artistique masculine. Si les duos mixtes ont fait leur apparition aux Mondiaux 2015, c’est la première fois qu’une épreuve 100 % masculine est apparue au programme des derniers Championnats d’Europe de Rome. Médaillé de bronze en solo libre il y a un mois, le Marseillais s’est confié sur les retombées de sa performance, les préjugés auxquels il a été confronté adolescent et l’avenir de cette nouvelle discipline.

Un mois après votre médaille, êtes-vous encore sur un petit nuage ?

Je suis quand même redescendu, et commence à réaliser. Je suis plus conscient des choses, et de ce qui s’est passé.

En quoi votre vie a-t-elle changé concrètement ?

Ma médaille a été très médiatisée. J’ai fait beaucoup d‘interviews et de reportages, donc je suis encore un peu sur mon nuage. Mais je n’ai pas pris la grosse tête. Je suis resté le même (rires).

A 19 ans et alors que vous êtes à peine majeur, comment avez-vous géré cette soudaine notoriété ?

Cela m’est tombé dessus d’un coup. Juste après la médaille, j’ai tout de suite fait une interview à chaud avec L’Equipe, France Télévisions et Le Monde. Et depuis, je continue de recevoir plein de demandes de reportages chez moi ou à ma piscine d’entraînement (Aix-en-Provence). Dans ces reportages ou interviews, je cherche à être le plus naturel possible, dire ce que je pense, et ne surtout pas me donner un genre. Dire la vérité et le prendre comme si j’étais avec un ami qui me posait des questions. Je ne fais pas comme si c’était la télé ou un journal en particulier.

Quentin Rakotomalala a pris la troisième place des Euro de Rome en août dernier (Photo: DeepBlueMedia)

Vous êtes conscient que le jeu des médias consiste à raconter une histoire, et que vous avez parfaitement coché cette case.

J’en suis conscient. Les filles de l’équipe de France de natation artistique ont obtenu 3 médailles à Rome, et elles n’ont paradoxalement pas eu la même médiatisation que moi, je le vois bien. D’ailleurs, j’en parle avec certaines qui me disent : « Oh tu es vachement médiatisé par rapport à nous ». Après, elles ont l’habitude de ne pas être forcément dans la lumière. Cela ne les atteint pas plus que ça.

Réalisez-vous être un pionnier en la matière dans la natation artistique masculine française ?

Oui totalement. Plusieurs jeunes garçons qui font de la « synchro » sont venus me voir, et me disaient que j’étais un exemple pour eux, que la médiatisation de leur sport leur faisait plaisir, que la discipline s’ouvre aux hommes les motivait pour la suite. Et même pour moi, c’est génial d’entendre ça. C’est encore plus motivant de donner à des jeunes envie de se mettre à l’eau.

Qu’avez-vous reçu comme témoignages de vive voix, sur vos réseaux sociaux ?

La plupart issus de l’univers de la natation, dans mon club à Aix, les directeurs de la piscine, la Présidente, des lettres de la ville d’Aix qui nous félicitait… Mais je ne suis pas non plus devenu une star internationale au point d’être reconnu dans la rue (rires). Je n’ai pas d’agent, ni reçu de sollicitations publicitaires. Non, rien de tout ça. Les gens me disent qu’ils sont fiers de moi, que c’est beau, que je me bats pour ça depuis 10 ans, que j’ai fait des sacrifices et que cela en valait la peine. En tant que garçon, me battre pour exister dans un milieu de femmes est encore plus fort.

Photo: DeepBlueMedia

Vous avez devancé ma question suivante : depuis 10 ans, avez-vous été victime de moqueries, de préjugés liés au fait que vous pratiquez un sport traditionnellement réservé aux femmes ?

Oui mais plus quand j’étais petit, et quand j’ai commencé (vers 9-10 ans), Au collège, au début, je disais que je faisais de la natation artistique, sans penser que cela pouvait choquer. Et après, quand j’ai vu que cela pouvait les interpeller, à se moquer de moi, je me suis mis à leur dire que je faisais juste de la natation.

Et à quels types de propos avez-vous été confronté ?

Des stéréotypes du style : « tu es gay ? Ce n’est pas un sport de gars, ce n’est pas pour toi… ». J’étais jeune, ça me touchait, et je n’avais pas le recul de maintenant. J’ai appris à grandir avec tout cela, et ce qui compte, c’est que je fais ce qui me plaît ! Sur les réseaux sociaux et mon compte Instagram, après ma médaille, je n’ai pas été victime de moqueries, et ai même gagné 250-300 followers qui m’ont félicité.

Avant les Championnats d’Europe, vous êtes parti en stage une semaine à Salon-de-Provence. Que vous ont apporté ces séances d’entraînement aux côtés de la Directrice des équipes de France de natation artistique, Julie Fabre ?

J’ai beaucoup progressé car les séances n’ont pas été les mêmes qu’avec mes coachs habituels sur la technique, la façon d’aborder l’entraînement et de l’exécuter. J’ai été obligé de changer ma façon de travailler et de trouver de quelle manière je pouvais progresser. En fait, ma chorégraphie était déjà montée avant de partir en stage, et on a travaillé des détails afin de peaufiner ce qui n’allait pas : des parties de figures ou des bras désynchronisés avec la chorégraphie.

Photo: DeepBlueMedia

Comment s’est passé votre retour en cours ?

Moi je suis en BTS communication 2ème année, et ma rentrée s’est plutôt bien passée. Mes camarades et professeurs m’ont félicité, et j’ai pu me replonger dans les cours sans difficulté. Cette année, j’aimerais encore plus m’entraîner que l’an passé (30 à 35 heures par semaine au lieu de 20-25 l’année dernière).

Qu’est-ce qui est le plus dur dans un programme solo de 2 minutes 30 ? Et quelles sont les grandes différences entre un programme masculin et féminin ?

Les qualités d’un homme ne sont pas les mêmes que chez une femme. Un homme va montrer sa puissance, son énergie et sa tonicité. Et les femmes vont aller vers un univers plus gracieux, plus léger, avec plus de souplesse. Aujourd’hui, l’endurance, c’est ce qui me pose le plus de problème. Je finis un peu « cramé » à la fin.

Sur quoi pouvez-vous progresser ?

Sur ma technique personnelle, sur les hauteurs, la stabilité, la tonicité dans les jambes. Il faut que j’arrive à dégager plus de puissance, que je progresse au niveau des figures… Et tout cela va de pair, concernant la hauteur et la technique.

Photo: DeepBlueMedia

La natation artistique masculine sera-t-elle présente à Paris 2024 ?

Non, mais on l’espère à Los Angeles pour les JO 2028. Forcément, c’est un regret, surtout que c’est en France. Cela aurait été fou d’y participer ici. Je viens d’entrer dans la catégorie sénior, et si j’avais pu participer aux Jeux de Paris, j’aurais pu performer en France, le summum de ma carrière, mais ce ne sera pas le cas.

Votre discipline a-t-elle de l’avenir ?

Oui, elle va se développer. On n’était que 4 à participer au solo libre des Championnats d’Europe de Rome, mais on est une quinzaine dans le monde. De plus en plus de jeunes s’y mettent. Preuve en est : aux Championnats du monde juniors au Québec en août, ils étaient une dizaine à concourir.

Propos recueillis par Antoine GRYNBAUM

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